«EGLISE OCCUPEE », peut-on lire sur le calicot accroché au
clocher de l'église Saint-Martin de Niafles (Mayenne), village de
300 âmes situé à une quarantaine de kilomètres de Laval. Querelle de
clocher ? Toujours est-il que depuis trois semaines, l'église est
fermée à clé : une quinzaine de catholiques traditionalistes
occupent la sacristie, où ils se relayent chaque nuit pour dormir
sur deux lits de camp. Les paroissiens exigent le maintien de la
messe en latin. Une quarantaine d'entre eux ont même constitué
l'Association Saint-Martin de Niafles pour le maintien de la messe
traditionnelle, celle que leur a dite pendant quarante ans l'abbé
Maurice Chéhère, « mort à son autel pour ainsi dire », selon la
formule d'Odile, 63 ans, professeur à la retraite. Décédé à l'âge de
94 ans le 6 mars dernier, l'abbé Chéhère « n'avait pas bien accepté
les évolutions de Vatican II, explique Mgr Armand Maillard, évêque
de Laval. Et il continuait à célébrer la messe en latin avec ses
propres aménagements ». Très local, ce conflit autour de la
liturgie en latin n'en est pas moins révélateur des secousses qui
continuent à agiter l'Eglise, quarante ans après le concile Vatican
II et près de vingt ans après le schisme de Mgr Lefebvre. Si les
paroissiens de Niafles ont gardé espoir que l'abbé Chéhère aurait un
successeur de la même mouvance, c'est peut-être parce qu'« en mars,
l'évêque a autorisé l'abbé Guillaume Loddé, de la Fraternité
Saint-Pierre*, à célébrer la messe en latin jusqu'à l'été, en nous
assurant qu'une concertation serait ouverte », raconte Katell
Mautin, 26 ans, enceinte de son troisième enfant.
Célébration en plein air
Soucieux de ne pas
rejeter ces traditionalistes, l'évêque leur propose d'assister à la
messe en latin chaque dimanche à 10 h 30, à l'église des Cordeliers
à Laval. « C'est trop loin ! » s'exclame Carole, mère de sept
enfants âgés de 1 à 12 ans, qui porte la médaille miraculeuse de la
Vierge autour du cou. « Nous n'allons pas faire une heure de route
pour aller à la messe », s'indigne Matthieu, qui crie à la «
délocalisation » ! Inacceptable pour les traditionalistes qui, pour
la troisième semaine consécutive, assisteront ce dimanche à une
messe en latin en plein air sur le parvis de l'église, célébrée par
l'abbé Oscar Neri, venu de Paris. « Je ne vois pas pourquoi l'évêque
a décidé de fermer une église qui réunissait trois cents personnes
tous les dimanches », s'indigne Odile, cheveux grisonnants. A
Laval, Mgr Armand Maillard dénonce de son côté « une infraction, non
seulement aux lois de l'Eglise, puisque les fidèles doivent obéir à
leur évêque, mais aussi à celles de la République qui prévoient que
les églises sont affectées au culte en accord avec l'évêque du lieu
». Pour l'heure, l'évêché n'envisage toutefois l'expulsion par les
forces de l'ordre que comme « l'ultime recours ». Sur la porte en
bois de l'église Saint-Martin, l'une des petites affiches frappée
des slogans « Une église, sinon rien ! », « Une église, un prêtre,
200 familles. Résistance », a été recouverte d'un tract écrit en
rouge, signé de la Section anarchiste anticathos : « L'évêque a
raison. Les cathos sont des c... » !
* Regroupe les traditionalistes restés fidèles au pape lors du
schisme intégriste de Mgr Lefebvre en 1988.
|